Combien d'écrivains russes ont remporté le prix Nobel de littérature?

AFP
Certaines des décisions prises par le comité suédois par le passé étaient très probablement motivées par des considérations politiques, mais les romans de ces auteurs méritent encore d'être lus. Voici les cinq lauréats russes du prix Nobel de littérature.

1. Ivan Bounine (1933)

Bounine a été le premier Russe à remporter le prix Nobel de littérature. Il a battu le principal prétendant, Maxime Gorki, écrivain prolétarien et protégé de Staline.

Pendant la période impériale, la famille Nobel a vécu en Russie pendant de nombreuses années et, en 1916, un tiers du pétrole brut russe était sous leur contrôle. La révolution bolchevique, cependant, a forcé le neveu d’Alfred, Emanuel Nobel, à fuir la Russie, entraînant la perte de tout l’empire commercial de sa famille.

Plus tard, dans les années 1920, alors qu'il vivait à Paris, Emanuel entretenait des liens étroits avec des émigrés antisoviétiques russes, dont Ivan Bounine. Bien qu’officiellement il n'a pas pu influencer le comité, ses sympathies étaient claires.

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Bounine a reçu le prix « pour l’art rigoureux avec lequel il a perpétué les traditions russes classiques de l’écriture en prose ». L'Académie suédoise a précisé que Bounine avait été choisi : « pour compenser notre mauvaise conscience d’avoir ignoré Tchekhov et Tolstoï ».

Néanmoins, les médias soviétiques ont affirmé que le prix était politisé, puisqu'il avait été attribué à un « ennemi de la révolution ». Par conséquent, le prix a été critiqué en URSS pendant des décennies.

2. Boris Pasternak (1958)

Pasternak a reçu le prix « pour son importante contribution à la fois à la poésie lyrique contemporaine et à la grande tradition de l'épopée russe ». Son Docteur Jivago venait juste d'être dévoilé au monde à la veille du prix et il a été publié pour la première fois en Italie après avoir subi une interdiction en Union soviétique.

Les médias et les bureaucrates de l'État ont lancé une campagne de harcèlement contre Pasternak. Il a été qualifié de traître à la Patrie pour avoir été publié à l'étranger et avoir reçu le prix Nobel, ce qui était considéré comme une trahison et un acte antisoviétique.

Pasternak a été contraint de renoncer à recevoir le prix et il est devenu personna non grata en Union soviétique. Une citation d'une réunion d'écrivains communistes était la suivante : « Je n'ai pas lu Pasternak, mais je le condamne ». Ces mots sont devenus un aphorisme qui symbolisait l’absurdité de la censure dans l'État soviétique. 

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3. Mikhaïl Cholokhov (1965)

Cholokhov est l'auteur du roman épique Le Don paisible, qui parle des Cosaques russes pendant la révolution et la guerre civile. Ce roman est généralement surnommé le « Guerre et Paix du XXe siècle ». Cependant, le livre a fait l'objet de nombreuses controverses, ainsi que de théories du complot selon lesquelles Cholokhov ne serait pas son véritable auteur, car ses autres travaux ne montrent pas la même finesse et le même talent littéraire.

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Le comité le déclara néanmoins lauréat du prix « pour la puissance artistique et l’intégrité avec laquelle, dans son épopée du Don, il a dépeint une phase historique de la vie du peuple russe ».

Cette fois, l'État soviétique n'avait rien contre le prix. D’ailleurs, depuis 1958, les autorités tentaient de promouvoir Cholokhov en tant qu’écrivain. L'ambassadeur soviétique en Suède a reçu l'ordre de préciser que l'URSS apprécierait beaucoup que le prix soit remis à Cholokhov.

4. Alexandre Soljenitsyne (1970)

Alexandre Soljenitsyne a été le premier écrivain soviétique à parler ouvertement du Goulag dans ses romans. Une Journée d’Ivan Denissovitch, qui décrit la routine d'un prisonnier de camp, a été publié en 1962 et créé une onde de choc en URSS.

Soljenitsyne a passé huit ans au Goulag et, après sa libération, il a commencé une activité dissidente et à travailler dans le domaine des droits de l'homme. Après qu’il a eu reçu le prix Nobel, la publication de ses œuvres s'est arrêté brusquement en URSS.

Le prix lui a été remis « pour la force éthique avec laquelle il a poursuivi les indispensables traditions de la littérature russe ». Cela a encore plus irrité les autorités soviétiques contre lui et son activité « antisoviétique ». Quatre ans plus tard, il a été expulsé du pays et ce n'est qu'à ce moment-là qu'il a eu la chance de recevoir son prix et la récompense financière qu’il prévoit.

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5. Joseph Brodsky (1987)

Joseph Brodsky rêvait du prix Nobel depuis son plus jeune âge. Il souhaitait être reconnu internationalement en tant que poète et se sentait à l’étroit à Saint-Pétersbourg, ainsi que dans l'Union soviétique en général. Ses poèmes n'étaient pas publiés en raison de la censure stricte et n'étaient été diffusés que par le samizdat (système d’édition clandestine en URSS, ndlr).

Il cherchait une occasion de quitter le pays et avait même un projet de faux mariage avec une Américaine, mais il ne l’a jamais mis en œuvre. LeKGB lui a demandé de quitter le pays avant qu’il ne puisse mettre son plan à exécution. Alors, il est parti pour les États-Unis.

Là-bas, le poète russe a décidé de changer de langue, mais il a eu de la peine à composer des poèmes en anglais. Au pays de l'Oncle Sam, Brodsky s’est fait connaître en tant que professeur slave et essayiste.

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