Eteri Tutberidze, la «dame de fer» et ses patineuses en or

Vladimir Pesnya /RIA Novosti
Dans les années 80, Eteri Tutberidze a échoué à devenir une étoile du patinage artistique en raison d'une blessure. Trente ans plus tard, elle dirige une vraie usine à superstars. Parmi ses élèves, Evgenia Medvedeva, Julia Lipnitskaya et l'étoile montante Alina Zagipova.

La patinoire Khroustalni, dans le sud-ouest de Moscou, n'apparaîtra probablement jamais parmi les lieux touristiques de la capitale russe. Cependant, c'est dans cet endroit qui ne paie pas de mine que naît l'avenir du patinage artistique russe.

La « fabrique » des championnes

L'entraîneuse Eteri Tutberidze n'est pas gênée en qualifiant sa patinoire d’« usine » et ses élèves de « matériau ». Un manque de politiquement correct qui est dans ce cas compensé par les résultats.

Julia Lipnitskaya aux JO de Sotchi.

C'est là que Julia Lipnitskaya, 10 ans, qui venait de déménager avec sa mère à Moscou de la ville d'Ekaterinbourg dans l'Oural, a commencé à patiner en 2009. Cinq ans plus tard, elle deviendra championne olympique et laissera le monde bouche bée avec son programme libre sur la musique du film La Liste de Schindler.

En 2007, Evgenia Medvedeva, âgée de 7 ans, est apparue à la patinoire Khroustalni. En 2015, elle a percé dans le monde du patinage artistique, non seulement en remportant la finale du Grand-Prix, les Championnats d'Europe et du monde, mais aussi en battant tous les scores possibles en termes de points.

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Au cours des deux dernières années, Alina Zagitova a travaillé sous les arcades de Khroustalni. L'année dernière, cette jeune fille de 14 ans est arrivée deuxième au Championnat de Russie, ne s’inclinant que devant Medvedeva. Si les téléspectateurs ne voient pas cette vedette en herbe dans le patinage adulte, c’est uniquement en raison de son âge - les nouvelles règles fixent la limite d'âge inférieure à 15 ans. Au niveau junior, Zagitova a presque tout raflé l'année dernière, réalisant des scores cosmiques.

« Dame de fer » du patinage russe

Eteri Tutberidze est un personnage ambigu. Elle s’est forgé l'image d'une femme forte et d'un coach dur. Les détracteurs la qualifient de tyran et l'accusent de détruire le psychisme des enfants. Tutberidze elle-même ne cache pas qu’elle est stricte avec ses pupilles, mais le considère comme une manifestation d’attention. « Pourquoi un coach qui aime son athlète et accomplit ses obligations est qualifié d’entraîneur sévère?.... Je dis des jurons. Parce que je force un athlète à faire ce qu'il doit faire en surmontant le "je ne veux pas". C'est tout », a-t-elle confié dans une interview à R-Sport.

 Evgenia Medvedeva aux Championnats du monde d'Helsinki.

La « dame de fer » du patinage artistique russe a peut-être été en mesure de briser la tradition la plus désagréable de ce sport en Russie. Depuis l'époque soviétique, les compétitions féminines étaient considérées comme un point faible de la grande équipe. Mais maintenant c'est l’inverse. Ce sont les filles qui sont le principal atout de l'équipe nationale russe. Les meilleures d'entre elles s’entraînent avec Eteri Tutberidze. C'est elle qui s’est lancée dans la création de cette « chaîne de production » ininterrompue.

 «Les JO ? Rien de spécial. C’est juste un début»

Alina Zagitova au Palais omnisports Marseille Grand-Est.

Le minimum de nombrilisme et une mise en œuvre  stricte des instructions – telles sont les bases de l'approche de la « dame de fer » du patinage artistique russe. La formule de Tutberidze est - « Tu as une mission – mène à bien ta mission ». Pour beaucoup d'athlètes russes, ce schéma apparemment simple est entravé par la mentalité. « Notre athlète commence à évaluer dans sa tête le travail de l'entraîneur – faut-il l’appliquer ou non. Il y a un conflit interne et ça interfère avec le travail ».

Quiz: Le patinage artistique russe

Le patinage artistique est considéré comme un sport psychologiquement complexe, où le stress avant les grandes compétitions conduit souvent à l'échec. Même les athlètes les plus aguerris tombent dans ce piège, mais pas les pupilles de Tutberidze. Elles apprennent à se libérer volontairement des responsabilités inutiles. « Il ne faut pas aller aux Jeux olympiques comme à quelque chose de spécial. C'est juste un début », estime l'entraîneuse.

 « Les quadruples sauts deviendront une banalité »

Dans le groupe de Tutberidze, une génération de filles en suit une autre. Le travail non-stop, la réflexion avec plusieurs coups d’avance – tel est le credo principal de l'entraîneur. « Ce que les filles ont fait hier n'est pas suffisant aujourd'hui, et suffira encore moins demain. Cela peut être comparé au fait que par le passé, tout le monde était fou de joie lors du vol de Gagarine dans l'espace, mais qu’aujourd'hui nous ne savons parfois pas qui y vole et où. La même chose a lieu dans le patinage artistique avec les athlètes qui s’essaient aux quadruples sauts. Oui, cela fait fureur aujourd'hui. Mais je suppose que dans trois ou quatre ans dans le patinage féminin ce sera un saut assez banal », évoque au sujet de sa philosophie Tutberidze dans une entrevue avec le magazine Monde du patinage artistique.

En parlant des progrès du patinage artistique féminin, Tutberidze ne ment pas. Récemment des images ont fuité sur YouTube, montrant comment des élèves de Tutberidze, Anna Shcherbakova, 13 ans, et Alexandra Trusova, 12 ans, effectuaient des quadruples sauts. Ainsi, l'hégémonie des patineuses russes n'est pas près de se terminer…

Biographie

Eteri Tutberidze était autrefois une patineuse artistique professionnelle, mais une blessure au dos a mis un point final à sa carrière sportive. Après le traitement, elle a joué pendant plusieurs années dans des spectacles de danse de glace, mais elle a finalement choisi d'aller aux États-Unis pour travailler dans le show Ice Capades. C’est aux États-Unis qu’elle a débuté sa carrière d'entraîneuse, avant de rentrer dans son pays natal par la suite.

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