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L'Alchimiste (1634), par David Ryckaert III
Imagno/Getty Images« Le féroce sorcier Bomelius », comme les sources russes ont surnommé cet aventuriste, est arrivé à Moscou en 1570 en provenance de Londres, où il était médecin et astrologue. Au service d’Ivan le Terrible, il a cependant acquis une réputation douteuse d'empoisonneur.
Originaire de Hollande, Bomelius a étudié à Cambridge en tant que docteur en médecine mais n'a pas réussi à terminer sa dernière année, la sixième. Cela ne l'a pas empêché d'ouvrir un cabinet et de devenir assez célèbre – le chef du gouvernement de la reine Élisabeth Ire, William Cecil, le consultait au sujet de la santé de la souveraine. Néanmoins, cela n'a pu le sauver de la prison lorsqu'il a été découvert que Bomelius exerçait sans diplôme. Il s'est alors avéré que le « docteur » n'avait pas les moyens de payer l'amende et Bomelius a passé trois ans derrière les barreaux. Lorsqu'il a été libéré, en 1570, il a été repéré par l'ambassadeur russe Andreï Sovine, qui cherchait un médecin pour le tsar Ivan. C'est ainsi que Bomelius s'est retrouvé au service en Russie.
« Le hargneux calomniateur Bomelius préparait une potion pernicieuse avec une telle habileté infernale que la personne empoisonnée périssait à la minute fixée par le tyran », a écrit Nikolaï Karamzine, et c'est presque tout ce que nous savons de l'action de Bomelius à Moscou. En tant que médecin du tsar, il recevait d'énormes sommes d'argent, dont il envoyait une partie à la ville allemande de Wesel.
La célébrité de Bomelius n’a cependant pas duré longtemps : en 1574, il a été surpris espionnant contre Ivan le Terrible pour le compte du Danemark et de la Suède et a été soumis à une exécution brutale – rôti vivant sur une broche et laissé pour mort dans un donjon. Il a fallu beaucoup de temps à Ivan pour trouver un nouveau médecin.
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Célèbre charlatan européen, le « comte » Cagliostro (de son vrai nom Giuseppe Balsamo) est arrivé en Russie en 1779. Il avait déjà plus d'une dénonciation et d'un échec à son actif, et au début, ses affaires ont également mal commencé à Saint-Pétersbourg. L’intérêt pour la science, encouragé par l'impératrice Catherine elle-même, était en vogue, tandis que la noblesse russe se méfiait du mysticisme et des sociétés secrètes. Cagliostro devait donc apparaître sous l'apparence d'un guérisseur, et c'est ce que lui a recommandé l'impératrice. « Pour autant que vous, comte, guérissiez, appliquez alors vos pouvoirs à cette digne occupation, car le soulagement de la souffrance humaine est la véritable vocation du sage », lui a conseillé Catherine lors d'une audience unique.
Cagliostro a ouvert un cabinet, mais il ne prenait l'argent que des riches. Les affaires allaient mieux avec eux – il a guéri son nouvel ami, le franc-maçon Ivan Elaguine, de la migraine, et le sénateur Stroganov d'une dépression nerveuse. Cependant, dès qu'il s'est agi de vrais malades, les choses ont mal tourné. L'évaluateur collégial Islenev est devenu un terrible ivrogne après les séances de Cagliostro, et lorsque le comte a accueilli chez lui Pavel, le fils de deux ans du prince Gavriil Gagarine, pour le soigner, et l’a rendu à ses parents en parfaite santé, des rumeurs ont circulé selon lesquelles Cagliostro aurait tout simplement échangé l'enfant.
Le « comte » a passé neuf mois à Saint-Pétersbourg et est reparti sans avoir acquis une grande notoriété. Catherine a même écrit une comédie, Le Trompeur, basée sur son séjour, dans laquelle le comte est dépeint sous les traits de Kalifalkjerston. Il est possible que l'impératrice se soit en réalité empressée d'expulser Cagliostro parce que la femme de celui-ci, Lorenza, était devenue trop proche de son favori, le comte Potemkine.
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La mauvaise réputation de Cagliostro a longtemps résonné en Russie. « L'humain est étrangement attiré par tout ce qui est surnaturel, et il se dupe lui-même exceptionnellement facilement de la manière la plus honnête – c'est ce qui explique la grande influence des Cagliostro à toutes les époques, et c'est aussi ce qui crée l'énorme succès des tables tournantes », a écrit Anna Tioutcheva, demoiselle d'honneur de la grande-duchesse Maria Alexandrovna en 1853, décrivant comment le mari de cette dernière, le grand-duc Alexandre (le futur empereur Alexandre II) était accro aux tables tournantes. « C'est un fait que les tables tournent et qu'elles écrivent ; on prétend même qu'elles répondent mentalement à des questions qui leur sont posées », a-t-elle affirmé.
En 1858, Daniel Home, un médium écossais de 25 ans, qui réalisait des séances de télékinésie, est arrivé en Russie. La même Tioutcheva a décrit les séances en présence du couple impérial : « La table s'élevait à une hauteur d'une demi-archine [l’archine est une ancienne unité de mesure russe correspondant à 71 centimètres] au-dessus du sol. L'impératrice mère a senti qu'une main avait touché les volants de sa robe, saisi sa main et retiré son alliance. Cette main a ensuite saisi, secoué et pincé toutes les personnes présentes, sauf l'impératrice, qu'elle a systématiquement contournée. Des mains du souverain, elle prit une clochette, l’a portée dans les airs et l’a remise au prince de Wurtemberg. Tout cela a suscité des cris de frayeur, de peur et d’étonnement ».
L'obscurité régnait toujours lors des séances de Home. Les « visages » des parents décédés apparaissant devant les personnes présentes n’étaient cependant que les talons nus de l'illusionniste enduits d'huile de phosphore, tandis que les mains qui saisissaient les spirites sous la table appartenaient à Home ou à ses assistants. La séance de juillet 1858 a été suivie par 11 personnes. Le lendemain, elle a été répétée à Strelna, et une autre a eu lieu en novembre.
Outre son succès à la cour, Home avait une fiancée en Russie – Alexandra Krol, 17 ans, qui est morte de consomption en 1862. En 1871, Home s’est remarié avec une Russe, Ioulia Gloumelina, sœur de la femme du chimiste Alexandre Boutlerov, qui soutenait ardemment Home et l'aidait à organiser ses rencontres avec le tsar. Pour le bien de ce mariage, Home s'est même converti à l'orthodoxie. Cependant, lorsque Boutlerov a tenté de prouver à une commission scientifique réunie à Saint-Pétersbourg que son beau-frère avait réellement des pouvoirs paranormaux, la séance a échoué, le médium a feinté un scandale et est parti en Europe sans jamais revenir.
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De toutes les familles tsaristes russes, Nicolas II et son épouse ont été les plus grands amateurs d'occultisme. Jusqu'à la naissance de leur héritier, le tsarévitch Alexis (1904-1918), Nicolas et Alexandra ont constamment été préoccupés par cette question – la famille avait eu quatre filles consécutives. Le tsar et la tsarine se rendaient donc en pèlerinage et recherchaient des cercles de voyants et de médiums.
Or, en 1900, Nicolas II a appris l'existence du Français Nizier Anthelme Philippe, qui avait la réputation d'être un occultiste et un guérisseur. L'empereur a rencontré le mage lors de sa visite en France et a invité Philippe à Saint-Pétersbourg. Et à cela n’a aucunement été une entrave le fait que Piotr Ratchkovski, le chef des agents russes à Paris, ait rassemblé un dossier sur Philippe, prouvant que le médium était un charlatan ordinaire. Ratchkovski a même été démis de ses fonctions après ce rapport, et « Maître » Philippe, comme on le surnommait, a été reçu à la cour et a commencé à mener des « séances » avec l'impératrice. « C'est un petit homme d'une cinquantaine d'années, aux cheveux noirs et à la moustache noire, d'apparence très peu attrayante, avec un vilain accent du sud de la France », a écrit à son sujet le grand-duc Constantin Constantinovitch. La formation médicale du « maître » s'était limitée à trois cours à la faculté de médecine de l'Université de Lyon, après quoi Philippe avait commencé à exercer la profession de médium, traitant principalement des dames fortunées.
« Il prétendait avoir le pouvoir de suggestion, qui pouvait influencer le sexe d'un enfant se développant dans l'utérus. Il ne prescrivait aucuns médicaments, qui auraient pu être testés par les médecins de la cour. Le secret de son art résidait dans une série de séances d'hypnose. Après deux mois de traitement, il a annoncé que l'impératrice attendait un enfant », a noté le grand-duc Alexandre Mikhaïlovitch.
La cinquième grossesse de l'impératrice a commencé en novembre 1901. Au printemps, tout le monde a remarqué qu'Alexandra Fiodorovna avait pris du ventre et avait cessé de porter des corsets, mais elle ne se laissait pas examiner par des médecins – c'est ce que conseillait « Maître » Philippe, auprès duquel l'impératrice se rendait presque tous les jours. Lorsque la tsarine a enfin été examinée par l'obstétricien de la cour, Ott, en août 1902, il s'est avéré qu'aucune grossesse n’avait lieu. Toute la famille impériale a alors été horrifiée. Cependant, ce qui s'est passé n'a pas changé l'attitude de l'impératrice envers Philippe. La dernière recommandation de celui-ci avant de repartir pour la France a été de demander de l'aide à Séraphin de Sarov, un ermite russe orthodoxe.
Ce dernier a été canonisé par l'Église russe la même année sur ordre personnel de l'empereur et le couple impérial s'est rendu en pèlerinage à l'ermitage de Sarov. En 1904, un héritier est né et le couple était convaincu que cela s'était produit grâce à la prédiction de Maître Philippe. Comme l'a rappelé la demoiselle d'honneur Anna Vyroubova, « Leurs Majestés avaient toujours dans leur chambre un cadre en carton avec des fleurs séchées que leur avait donné M. Philippe et qui, selon lui, avait été touché par la main du Sauveur lui-même ».
Nizier Anthelme Philippe n'est certainement pas le seul charlatan à s'être retrouvé près du trône du dernier tsar. Nicolas et Alexandra étaient connus pour être friands de la communication avec les bienheureux, les fols-en-Christ et autres « porteurs de connaissances secrètes ». Bien sûr, le plus célèbre d'entre eux a été Grigori Raspoutine. De tous les mystiques à la cour impériale, seul Raspoutine fait l’objet de preuves documentaires du fait qu’il ait réellement soigné le tsarévitch Alexis, arrêtant ses saignements grâce à des méthodes d'hypnose. La haine à l’égard de Raspoutine dans la société était toutefois trop grande – notamment en raison de la réputation fragile du couple impérial, trop amateur de mysticisme. Aux yeux du public, c'est Raspoutine qui s’avérait responsable de tous les malheurs qui frappaient la Russie. En fin de compte, le cousin du tsar, Dmitri Pavlovitch, a personnellement participé au meurtre du guérisseur. Cependant, l'empire ne pouvait à ce stade déjà plus être sauvé.
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