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Selon certains témoignages, la mère Marie est entrée volontairement dans la chambre à gaz au camp de Ravensbrück, à la place d'une jeune femme, prisonnière soviétique, en échangeant sa veste et son numéro avec elle. Elle est décédée quelques jours seulement avant la libération du camp. Avant la guerre, cette personne exceptionnelle a consacré de nombreuses années au travail caritatif, venant en aide à tous les compatriotes émigrés en difficulté à Paris.
Née dans une famille aristocratique en décembre 1891 à Riga, Élisabeth Pilenko a eu une enfance heureuse et insouciante. Son père, à la fin de sa carrière de magistrat, a amené la famille à Anapa (littoral sud de Russie), où le grand-père de la fillette, un général à la retraite, ancien participant de la guerre du Caucase, s'est lancé dans la viticulture. La famille du général Pilenko pose alors les fondations de la production industrielle du vin sur la côte de la mer Noire. Pour les mérites dans ce domaine, en 1905 son père est nommé directeur du Jardin botanique impérial Nikitski et de l'École d'horticulture et de vinification à Yalta.
Dès la petite enfance, Élisabeth a montré de grandes capacités pour le dessin et la littérature, elle s'est passionnée de la poésie moderne.
Plus tard, son père a eu un poste de fonctionnaire au département des affaires agricoles à Pétersbourg, mais il décède subitement. Sa veuve s'installe dans la capitale de l’Empire russe avec les enfants. « Liza » entre au lycée et se retrouve au milieu d'une jeune intelligentsia artistique. Elle porte un intérêt particulier à la philosophie et entre au département de philosophie des cours de Besstoujev – un établissement d'enseignement supérieur de l'époque.
Parmi ses amis, l’on trouvait des poètes, des écrivains, des publicistes, dont Nikolaï Goumiliov, Anna Akhmatova, Ossip Mandelstam et d'autres.
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En 1919, Liza, 18 ans, a épousé un juriste féru de littérature, Dmitri Kouzmine-Karavaïev. Avec son mari, elle fréquentait beaucoup les salons littéraires. Elle publie ses poèmes et ouvrages, qui témoignent de ses premiers pas de la pensée religieuse chrétienne.
La question de la révolution préoccupait plus que d'autres l'intelligentsia artistique de l'époque. Pour Liza, la figure de révolutionnaire est un héros, un combattant contre le mal, sacrifiant tout, mais elle ne trouvait pas de tels personnages dans son entourage. Les conversations sans suites des écrivains sur les révoltes lui sont devenues insupportables. Elle rompt les relations avec son mari en 1913, quitte Pétersbourg et se rend à Anapa, dans son domaine, ou elle a eu une fille.
Lorsque la Révolution de février a éclaté, Élisabeth a rejoint le Parti des révolutionnaires socialistes (SR), porte-drapeau de l'intelligentsia de gauche de l'époque et était au centre des événements politiques.
Lors d'un soulèvement armé du Parti des révolutionnaires socialistes à Moscou, la jeune femme a participé à l'attaque contre l'un des dirigeants bolcheviks, Léon Trotsky, puis s'est cachée pendant six mois avant de retourner à Anapa.
En 1918, des élections à la Douma de la ville ont eu lieu et elle a été élue membre du Conseil de l'éducation et de la santé, et plus tard s’est retrouvée à la tête d’Anapa. Elle donne toute son énergie pour protéger les habitants contre le vol et la terreur. Ne partageant pas l'idéologie bolchévique, elle a essayé d'empêcher les exécutions de résidents et a risqué sa vie pour la sauvegarde des valeurs culturelles.
Lors de l'occupation de la ville par l'Armée blanche, la jeune femme a été arrêtée et menacée de mort. Elle s'en est sortie grâce à l'intervention d'un groupe d'écrivains dont Maximilian Volochine et Alexis Tolstoï. Le juge qui a prononcé sa condamnation, le Cosaque du Kouban Daniil Skobtsov, est devenu plus tard son mari.
En 1919, comme des milliers d’autre Russes, Élisabeth quitte la Russie bolchévique. Via la Géorgie, la Turquie et la Serbie elle se retrouve en 1924 à Paris avec son mari, sa mère et ses trois enfants.
La famille Skobtsov a goûté à toutes les difficultés de la vie d'émigrants. Il était extrêmement difficile pour un homme muni d’un passeport Nansen (réservé aux apatrides) de trouver du travail à Paris. Élisabeth a dû apprendre la couture, la peinture sur tissu, la broderie et la confection de poupées. Elle participe au développement de nombreuses églises orthodoxes russes qui verront le jour dans la capitale frarnçaise mais aussi dans diverses villes de province.
La plus dure épreuve fut la mort de ses enfants. D’abord, en 1926, de sa fille cadette de quatre ans, atteinte de méningite, et dix ans plus tard, de sa fille aînée, revenue en Russie sur les conseils d'Alexis Tolstoï et morte du typhus. C'est alors qu'elle décide de devenir une sorte de mère universelle, de prendre soin de toutes les personnes qui ont besoin d'assistance. Dès 1927, elle assure une action missionnaire au service des plus démunis au sein de l'organisme nommé l'Action chrétienne des étudiants russes.
Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge à Paris
HaguardDuNord CC BY-SA 3.0Quelques années plus tôt, Élisabeth avait suivi des cours à l'Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge à Paris. Elle y a rencontré Berdiaïev et Fedotov – des érudits-théologiens exceptionnels. Le père Sergueï Boulgakov est également devenu son père spirituel. En 1932, avec le consentement de son mari, la femme reçoit un accord de l'église pour le divorce et prend la tonsure monastique.
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Devenue moniale à l'âge de 41 ans, elle a été nommée Marie en l'honneur de Marie d'Égypte. Depuis lors, elle se présentait comme mère Marie. Elle fut une religieuse très atypique, servant Dieu en aidant les gens. Elle a d’ailleurs créé un nouveau type de monachisme, un nouveau type de communauté – le demi-monastère, demie-fraternité.
Les années 30 à Paris furent très difficiles pour les immigrés russes – la faim, le chômage. La mère Marie a donc décidé d'ouvrir un foyer pour tous les rejetés de la société. La communauté de Marie Skobtsova est devenue connue dans la cité : les pauvres, les sans-abris, les handicapés, les alcooliques, les prostituées, les drogués, les criminels, les malades mentaux y ont trouvé refuge. Sa mère et son fils ont également participé à des besognes à la cantine et à l'église, convertie d'un ancien garage.
Avec le père Dimitri Klépinine elle fonde « l’Action orthodoxe », organisme de secours aux plus démunis qui ne cessa pas ses activités pendant toute la guerre. Deux dortoirs, une école paroissiale, des cours de psaumes et des cours missionnaires y ont été créé. Dans une banlieue de Paris, à Noisy-le-Grand, une maison accueille des patients tuberculeux en convalescence. Souvent, mère Marie était vue dans différents quartiers de Paris poussant son chariot rempli de provisions, achetés aux Halles pour ses cantines. Elle travaillait du matin au soir et tout au long de sa vie, elle a continué à écrire de la poésie.
Pendant la Seconde Guerre mondiale « l’Action orthodoxe » devint un groupe de résistants extrêmement actif. Avec le début de l'occupation de la France, la mère Marie établit un lien avec la résistance française. Elle aide les antifascistes, hébergeant des prisonniers de guerre soviétiques fugitifs. Elle sauve des juifs de la déportation, en les cachant dans un centre provisoire, puis en trouvant des filières pour qu'ils rejoignent la zone libre. Le père Dimitri Klépinine fournit quant à lui à des juifs russes en fuite de faux certificats de baptême.
Un millier de réfugiés russes furent déportés au camp de Compiègne. La mère Marie fit passer des colis, de la nourriture. Après la rafle du Vélodrome d’Hiver en août 1942 elle put entrer dans le camp et réussit à faire sortir quelques enfants.
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Сérémonie d'inauguration de la commémorative en l'honneur de la mère Marie Skobtsova
Ambassade de Russie en FranceEn février 1943, la Gestapo a arrêté son fils et son assistant Iouri, âgé de vingt-deux ans, ainsi que père Dimitri Klépinine. Elle a été informée que son fils serait libéré si elle-même se présentait à la Gestapo. Elle fut arrêtée à son tour. De longs interrogatoires, un camp de transit et la dernière rencontre de la mère et du fils. Il a été envoyé à Buchenwald, où il est décédé, ce que sa mère n'a jamais su. La mère Marie se retrouve de con côté au camp de Ravensbrück, ou elle soutient les autres prisonnières, en leur parlant de son expérience spirituelle.
Il est allégué que la mère Marie s'est volontairement rendue au martyre, en entrant dans la chambre à gaz, quelques jours seulement avant la libération du camp, le 31 mars 1945.
Elle est canonisée comme martyre de la foi par le Patriarcat de Constantinople le 16 janvier 2004. Cette femme au destin exceptionnel est, depuis, souvent appelée « sainte Marie de Paris ».
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