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« C’est une femme petite et malingre, avec des cheveux déjà gris, au visage vieux et meurtri (...) En la regardant, je ne peux pas croire qu’elle fût si belle et qu’encore récemment elle charmait ses geôliers » : telle est la description que fait Anton Tchekhov de Sofia Bliouvchtein, voleuse également connue sous le surnom de « Sonka Zolotaïa Rouchka » (Sonka la Main d’or).
L'écrivain a rencontré Sonka en 1890 à Sakhaline, où elle purgeait une peine de travaux forcés. Ses années de gloire étaient alors derrière elle. Mais dans les années 1860 - 1870, Bliouvchtein, femme juive venue d’un petit village près de Varsovie, faisait tourner les têtes dans toute la Russie et l’Europe (elle maîtrisait cinq langues), organisait des vols et soutirait d’énormes sommes d’argent.
Sonka agissait avec talent et brio. Sous l'apparence d'une noble dame, elle pénétrait dans des hôtels et dévalisait les chambres de leurs biens. Elle volait des diamants dans des bijouteries en les mettant sous ses faux ongles ou dans sa bouche. Se présentant comme une aristocrate ou une marchande, elle déployait des trésors de gentillesse et de simplicité, de sorte que personne n’hésitait à lui confier son argent et ses bijoux.
Elle a été à plusieurs reprises arrêtée, jugée et parfois emprisonnée - mais Sonka charmait ses gardes et s’enfuyait même avec eux. Un juré qui assistait à l'un des procès de Bliouvchtein a déclaré avec admiration qu'elle était capable de « subjuguer une bonne centaine d'hommes ». Mais au fil du temps, la beauté de Sonka s'est estompée et la chance a commencé à la trahir - elle a mis fin à ses jours à Sakhaline. Pourtant, certaines légendes affirment que la voleuse insaisissable aurait réussi à s’échapper des travaux forcés et à passer la fin de sa vie à Odessa ou à New York.
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Dans les années 1871-1875, il existait en Russie un vaste réseau d’escrocs qui comprenait plus de quarante personnes : du prince Dolgoroukov, un descendant de la dynastie des Riourikides, à des prostituées et à des habitants des bas-fonds de Moscou. Un enquêteur a inventé le nom de gang, l’empruntant à un roman détective français bon marché de cette époque – l’histoire parlait d’un groupe de voleurs étonnamment arrogants.
« Les accusés se voient reprocher une soixantaine de larcins différents, dont les dommages dépassaient 300 000 roubles », a indiqué l'avocat Alexander Zviaguintsev à propos du procès des « valets » de 1877. Comme l’écrivait le journal Moskovskie Vedomosti, « les billets pour le public avaient tous été distribués » - tout le monde voulait voir comment ces « stars » du monde criminel seraient jugées.
Les valets ont commis différents crimes : ils ont créé des sociétés écrans, soutirant une caution aux personnes qui y trouvaient un emploi, imprimaient de la fausse monnaie, et parfois faisaient boire des riches avant de les faire signer des reconnaissances de dette. En conséquence, 19 des 45 accusés ont été acquittés lors du procès, les autres ayant été condamnés à différentes peines d'exil en Sibérie.
La biographie de cet escroc est difficile à retracer car elle repose essentiellement sur ses dires, et Nikolaï Savine a menti toute sa vie. On sait qu’il était d’origine noble, avait servi pendant quelque temps dans la cavalerie légère (raison pour laquelle il a été qualifié de « cornette » toute sa vie), mais au-delà de ces faits, tout est entouré de légende.
Savine a raconté avoir été dans sa jeunesse l’ami de Léon Tolstoï. Selon lui, il aurait aidé le cousin d'Alexandre III, le grand-duc Nikolaï Konstantinovitch, à voler des diamants à sa propre mère. Il est impossible de vérifier le bien-fondé de ces affirmations.
En 1887, Savine a déclaré au journaliste Vladimir Guiliarovski qu'il avait failli s’asseoir sur le trône bulgare. À cette époque, le trône de Bulgarie était vacant et le régent Stefan Stambolov aurait examiné la candidature du comte de Toulouse-Lautrec (c’est sous ce pseudonyme que Savine voyageait en Europe), avant de changer d'avis. « En tant que Russe, en tant que Slave, en tant que prince bulgare, j’aurais pu apporter plus de bienfaits à la Russie qu’un Allemand nommé par Bismarck et par l'Angleterre », déplorait Savine dans ses mémoires.
En ce qui concerne les hauts faits réels et documentés de Savine, ils ressemblaient beaucoup à une version masculine de Sonka la Main d’or - la même arrogance, des voyages à travers la Russie et l’Europe, un vaste éventail de méthodes, et une étonnante capacité à retomber sur ses pieds. Il faisait semblant d'être un homme riche, se présentait sous de fausses identités, épousait de riches héritières et s'appropriait leur fortune - il n’existe pas de ruse ni de bassesse à laquelle il n’aurait recouru pour de l'argent. Il a été arrêté et emprisonné en 1911 et jusqu'à la révolution de 1917, l'aventurier a croupi en prison. Une fois libre, le fraudeur a fui les communistes en Extrême-Orient, où il est décédé en 1937.
Affaire Beilis: le procès le plus célèbre de l’Empire russe
Contrairement aux autres escrocs de cette liste, les frères Chepsel et Leïba Gokhman, des marchands de la ville ukrainienne d’Otchakov, n'étaient pas célèbres dans toute la Russie et ne cherchaient pas à obtenir une telle renommée. Mais ils ont réussi à tromper le Louvre, l'un des musées les plus respectés au monde.
Les Gokhman étaient spécialisés dans la vente de faux objets historiques et ont réussi en 1896 à conclure un marché extrêmement lucratif : le Louvre acquit la tiare d'or du roi scythe Saïtapharnès du IIIe siècle av. JC. En fait, « l'ancien artefact » avait été fabriqué par un bijoutier d'Odessa, Israïl Roukhomovski.
Le vrai héros de cette histoire est précisément Roukhomovski. Contrairement aux Gokhman, c’était un homme honnête qui ignorait que la tiare qu'il avait fabriquée serait présentée comme une antiquité. Mais le stratagème a tellement bien fonctionné que des spécialistes européens ont confirmé l'authenticité de l’objet. « Les meilleurs archéologues et historiens de l'art ont été invités en tant qu'experts. Et presque tous ont unanimement confirmé que la tiare de Saïtapharnès était une création authentique d’un artiste ancien d’une grande valeur », a écrit l’historien local Alexander Goun. Mais ce sont précisément les Gokhman qui ont empoché les dividendes de la supercherie : le Louvre leur a versé 200 000 francs pour la tiare, une somme gigantesque pour l’époque.
Lorsque l'archéologue allemand Adolf Furtwängler s’est interrogé sur l'authenticité de la tiare, la communauté scientifique française a été furieuse. « La possibilité que la tiare ait été fabriquée de toutes pièces constituait une menace directe pour la réputation de la France en tant que puissance culturelle », lit-on dans Les faussaires : art de la falsification et identité au XIXe siècle, d’Aviva Briefel. Sept ans plus tard, en 1903, le Louvre a été contraint d’admettre qu'il s'agissait d'un faux : Roukhomovski lui-même s’est rendu à Paris et a prouvé qu'il avait fabriqué le tiare en copiant une partie de l'ornement. L'humble joaillier est devenu une célébrité et les ouvriers du musée ont dû déplacer la tiare dans la salle d'art moderne. Quant aux Gokhman, ils n’ont jamais songé à rendre l'argent.
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