Crédit : TASS
Inga Glouchko, née en 1937 à Leningrad. Retraitée
Lorsque la guerre a commencé, je n’avais que 4 ans. Bien que je fusse alors enfant, je comprenais déjà que quelque chose de terrible se produisait autour. La situation s’est fortement dégradée avec le début du blocus, en septembre 1941. La famine régnait à Leningrad.
Ma sœur aînée et moi allions à l’école maternelle. On nous y distribuait du pain – 125 grammes par personne, mais un jour, je suis rentrée et j’ai dit à mes parents que l’on ne nous avait pas donné à manger. Apparemment, il y avait des problèmes avec la distribution de la nourriture.
Je me rappelle qu’un jour j’ai trouvé ma voisine morte dans l’entrée de l’immeuble. Elle est sortie fermer les fenêtres et elle morte de faim dans les escaliers.
Encore un souvenir. Nous avions un chat et un chien de berger. Puis ils sont disparus : nous voisins les ont mangés. Les gens étaient obligés de le faire, car la faim état insupportable.
Avant la fin du blocus, nous avons été évacués dans le Caucase du Nord. Mais tout de suite après notre arrivée, la région a été occupée par les nazis et notre famille a été envoyée dans un camp de travail à la périphérie de Büren-Wewelsburg. Ma mère et ma grand-mère devaient effectuer des travaux forcés.
Nous avons été libérés par les Américains, puis placés chez des paysans allemands. Ensuite on nous a donné le choix : rentrer ou rester en Europe. Après toutes les horreurs de la guerre, ma mère a décidé de rester. Comme nous avions des proches à Paris, nous avons choisi à nous installer en France.
Lidia Likhota, née en 1940 à Leningrad. Guide à Paris
Lorsque la guerre a commencé, je n’avais même pas un an. Avant de partir pour le front, mon père m’a prise en photo et a laissé une inscription dessus : « Souviens-toi ». C’était si symbolique, il n’est jamais revenu et reste à ce jour porté disparu. Il n’avait alors que 25 ans. Cette photo, je la garde précieusement. Ma mère et moi, nous sommes restées dans une ville assiégée. Le froid, la pluie de bombes et la mort des proches faisaient notre quotidien.
Vers la fin de 1943, nous avons été évacués vers la « Grande Terre » [territoire sous contrôle soviétique, ndlr]. Sous le feu de l’ennemi, les véhicules nous transportant roulaient sur le lac glacé de Ladoga. Je ne m’en souviens pas, mais ma mère m’a plus tard raconté que le véhicule qui était juste devant le nôtre a été touché par une bombe. Celui qui était derrière a sombré sous la glace. Tous leurs occupants ont péri.
Nous avons passé le reste de la guerre à Soligalitch, dans la région de Kostroma. On se nourrissait principalement d’épluchures de pommes de terre. Ma grand-mère en faisait de petits pâtés. Ils me paraissaient si délicieux !
70 ans se sont écoulés depuis la fin de la guerre, mais je continue à y penser. Je crois que la génération qui a vécu ces événements affreux est plus humaine que toutes les autres. La guerre nous a appris le sacrifice et la compassion.
Iouri Sidorenko, né en 1931 à Oufa (Bachkirie). Président de l’institut IRIC-France
J’ai pris conscience de la guerre un mois après son début, lorsque mon père a été appelé pour partir au front. J’ai dû alors assumer toutes ses responsabilités. À l’âge de 12 ans, j’ai été privé du droit aux bons de pain. Pour gagner ma vie, j’ai dû aller travailler à la fabrique de vodka et de liqueur. J’acceptais n’importe quel travail. C’était affreux de voir des enfants debout sur des banquettes faire le travail des adultes.
Il y a très peu de bons souvenirs de cette époque. Nous étions affamés. Notre existence était réduite à la lutte : celle pour survivre, celle pour acheter à manger.
Pour nous procurer du pain, nous passions des heures dans le froid à faire la queue. De peur de perdre notre tour, on inscrivait des numéros sur la main et attendait. Après le travail, ma mère venait me remplacer. Je me souviens qu’un jour ma grand-mère a apporté des épluchures de pomme de terre. Elle en a fait cuire des galettes : quel délice ! Je me souviens aussi que je détestais les chemins de fer. Ils ont emporté mon père et mes proches au front. Je ne les ai jamais revus.
Pour moi, le 9 mai est une date sacrée. Je suis reconnaissant à tous ceux qui ont pris part aux combats. Toutefois, il ne faut pas oublier que nous, les enfants, nous avons lutté sur un autre front, celui du travail et de la survie.
Préparé avec contribution de Gueorgui Chepelev, enseignant à l'INALCO
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